4ème édition du 12 au 18 avril 2014 organisée par l'Association ACAL et le Village Vacances Touristra • Vaison-la-Romaine • Vaucluse

MARCUS MALTE

Festival Polar de Vaison la Romaine Marcus Malte2010, 2012, 2013, 2014 : quatre éditions, quatre participations. Il restera le premier et l'unique parrain de notre manifestation, car depuis 2012, il n'y en a plus, ou tous les auteurs le sont, c'est selon. L'homme est aussi discret que son oeuvre est brillante. Il parle peu mais écrit admirablement bien. Dans une conversation, ce n'est pas le genre d'homme à s'imposer. Dans la littérature policière française, c'est fait depuis des années.

C'est fait mais ce fut long (aussi incroyable que cela puisse paraître, il s'est longtemps vu refuser un prix majeur), car Marcus Malte est un auteur novateur : il fait du Malte. Un style personnel irréprochable habillant d'une sombre poésie des intrigues bien ficelées, parfois même complexes, qui mettent souvent en scène des personnages marginaux . Ironie du sort, c'est grâce à un roman difficile d'accès qu'il obtient la consécration en 2007 : Garden of love, un des dix meilleurs polars français de la décennie, un roman-poème, véritable labyrinthe où le lecteur se demande sans cesse où est la fiction dans la fiction, ce que le personnage principal invente ou non. Alexandre Astrid, un policier à la dérive, reçoit par la poste un manuscrit anonyme intitulé Garden of love : il y lira une version troublante de sa propre vie. L'histoire ne se raconte pas, on doit y pénétrer et s'accrocher avec, au bout, le sentiment d'avoir lu un roman que l'on n'oubliera jamais. Il a reçu un nombre considérable de prix dont le Prix Michel-Lebrun 2007, le Prix Sang d'encre 2007, le Grand Prix des lectrices de Elle (catégorie policier) 2008 et ... le Prix Soleil Noir 2010 de Vaison-la-Romaine.


Marcus Malte publie son premier roman en 1996, Le doigt d'Horace. Le Lac des singes sort l'année suivante et il faudra attendre quatorze années pour que Les harmoniques (2011) vienne compléter sa trilogie Mister, le pianiste de jazz au grand coeur, inséparable de son compère Bob, le chauffeur de taxi érudit. S'il a un rôle secondaire dans le premier volet, Mister devient récurrent dans le deuxième (l'histoire d'un tueur en série qui sévit dans la ville d'Evian, où Mister fait une pige de deux semaines dans le casino, s'échappant un temps de son club parisien "le Dauphin vert"). Dans le dernier, Mister et Bob , mènent une enquête pour découvrir le coupable d'un meurtre qui n'intéresse personne, celui de leur amie Vera Nad. Une magnifique ballade jazzy sur fond de guerre du Kosovo et de charniers des Balkans, qui se verra récompensée du Prix Mystère de la Critique 2012, obtenu quelques jours avant la venue de Marcus à Vaison-la-Romaine, et dont nous avons fêté l'attribution ensemble.

Trois romans qui mettent particulièrement en exergue l'écriture émouvante de l'auteur et son goût pour brosser les portraits d'antihéros vivant en marge de la société sont Carnage, constellation, 1998 - Césaria, travesti prostitué, s'éprend de Clovis, un repris de justice, ivre de vengeance à l'encontre de celui qui l'a envoyé en prison -, Et tous les autres crèveront, 2001 – Tony, en cavale, et Sylvie, une journaliste, deux êtres qui nous livrent, à tour de rôle, leur malaise et leur inadaptation à notre société -, et La part des chiens, 2003 – Zodiak, fou d'amour pour Sonia et fou tout court, part à sa recherche lorsqu'elle disparait du jour au lendemain en laissant en lui un immense vide. Il est accompagné du frère de Sonia, le polac, aussi fou que lui. Ensemble ils déambuleront dans une ville sordide peuplée de violence et d'êtres aussi étranges qu'eux.

Mais Marcus Malte excelle autant dans l'art d'écrire des nouvelles que des romans. Ses deux recueils, Intérieur nord, 2005 (quatre nouvelles sublimes dont la bouleversante Musher), Toute la nuit devant nous (2008) ainsi que la longue nouvelle Cannisses (2012), sont là pour nous le rappeler.

Marcus vu par Malte : "Un jour, une voyante a affirmé à ma mère que son fils aîné – moi – en était à sa septième vie. La dernière. Celle-ci débute en 1967 à La Seyne-sur-Mer. J’y suis né et j’y suis resté. Devant la mer.
J’ai beaucoup rêvé. D’abord, d’être Platini. J’ai passé la majeure partie de mon enfance avec un ballon aux pieds. J’étais plutôt doué. J’aurais pu. Mais une vilaine blessure a mis un terme à ma brève mais prometteuse carrière. J’avais 13 ans quand mon genou gauche a craqué. Boum. Un rêve qui s’effondre.
Ensuite, d’être David Lynch. J’avais 14 ans et je venais de voir Elephant Man. J’ai passé une grande partie de la décennie suivante à bouffer de la pellicule, à concevoir dans ma tête de sublimes images, d’inoubliables dialogues, des scènes d’anthologie, à tourner des trucs bizarres en super 8 et vidéo, à étudier le septième art. Bref, à me faire des films. J’étais plutôt doué. J’aurais pu. Mais c’est le moment où mon premier fils a débarqué à l’improviste. J’avais 23 ans quand il est né. 
Boum. Un ange qui tombe.
Pendant cette période, j’ai aussi rencontré quelques illuminés du type guitariste, bassiste, batteur, chanteur. Manquait plus qu’un pianiste. Je me suis souvenu que j’avais fait des gammes dans une autre vie – mais laquelle ? Je m’y suis remis. J’ai rêvé d’être Queen, Police et U2 réunis. J’ai rêvé d’être Thelonious Monk. J’ai fait de la variété dans les bals, sur des places de villages. J’ai fait du rock dans des MJC et des gymnases. J’ai fait du jazz dans ma chambre. Je n’étais pas très doué. La musique n’a pas perdu grand-chose quand j’ai raccroché les gants (ceux avec lesquels on aurait dit que je martelais le clavier). Boum. Un coup de gong, et le silence qui suit. Je suis devenu projectionniste. Un vrai boulot.
Entre-temps, et durant toutes ces années, j’ai lu. De tout. Entre-temps, j’ai écrit. De tout. Beaucoup. Et j’y ai pris goût de plus en plus. J’ai commencé à rêver d’être Steinbeck. Giono. Céline. McCarthy, Garcia Marquez, Goodis, Melville, Crews… J’en oublie certainement et pas des moindres. Mon premier roman est sorti en 1996. J’avais 28 ans. Boum. Un rêve qui se réalise.
Enfin. D’autres ont suivi. Des bouquins et des fils - car j’ai décidé de ne faire que des garçons. Et puis j’ai cessé d’être projectionniste. Et puis j’ai continué à écrire. Et puis j’ai chargé et déchargé des camions. Et puis j’ai continué à rêver. Et puis j’ai vendu des choses sur Internet. Tout et n’importe quoi. Ce genre de choses. Et puis j’ai continué à écrire. Et rêver. Et écrire. Et puis voilà. Et parfois… parfois, en relisant ces histoires que j’écris, je me demande ce qu’il a bien pu m’arriver au cours de mes six précédentes vies."

Festival Polar de Vaison la Romaine Marcus Malte


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